Regardez dans les rayons d'une parfumerie ou même d'une grande surface, et comparez l'ampleur des étalages de produits féminins (dignes d'un souk égyptien en plein circuit touristique pyramidesque) avec celui destiné aux hommes (comparable à la quantité de fraises bio que l'on peut trouver chez un primeur au mois de février).
Et si on fait le point ...
1) Généralement, niveau parfum, ils n'ont droit qu'aux eaux de toilette, alors que nous, nez sensibles et fleurs délicates, sommes assommées d'eaux de toilette, d'eaux de parfum, de parfum, d'extraits, d'eaux fraîches et autres bidouillous embouteillés.
Alors bon, on sait bien qu'ils ont du mal à choisir et qu'ils ont parfois l'air de mouettes en pleines marées noires dans les rayons cosmétiques, mais tout de même, ils ont un nez, eux aussi.
Bon.
2) Il existe très peu de marques qui se sont lancées dans le pari fou de lancer des gammes de soin masculines. A croire que les hommes n'ont jamais la peau qui gerce, jamais la peau trop grasse, jamais la peau trop sèche, jamais de rougeurs, jamais rien, ou alors qu'ils se contentent de plonger leurs doigts virils dans le pot de cold cream parfumée à la fleur d'oranger de leur douce moitié en assumant de fleurer bon la douceur en bouton par-dessus l'après-rasage.
Parce que c'est à peu près tout ce qu'on leur apprend à se passer sur la bobine : l'après-rasage. A croire qu'ils ont une peau qui ne fabrique absolument rien d'autre que du poil.
3) Même chose pour les gels douche et les shampoing, le choix est trèèès vite limité (à part s'ils prennent leur parti de taper dans les bouteilles d'Axe et d'embaumer la cocotte chimique pendant quatre heures et demi). C'est bien simple, alors que nous avons des shampoings pour cheveux secs/gras/longs/frisés/plats/électriques/sensibles/blonds/bruns/verts-à-pois-roses, eux n'ont qu'un seul choix : shampoing-pour-homme. Voire shampoing anti-pelliculaire ou anti-chute, puisqu'il est bien connu que tous les hommes ont exactement la même nature de tifs, et qu'ils se grattent tellement le crâne qu'ils en finissent immanquablement chauves à 30 ans.
4) Et puis ils ont une peau en kevlar sur l'ensemble du corps, puisqu'il n'existe pas de savon adapté à leur hygiène intime (mais enfin voyons, il est bien connu que les hommes ne se lavent pas/ont des muqueuses en teflon), alors qu'on nous inonde de publicités teintées de lumière rose et or où des fleurs de lotus viennent déposer leurs délicats pétales frissonnants de fraîcheur pour faire notre toilette intime dans une douceur digne d'une purée de chamallows. Fragiles, les parties intimes des hommes ? Tu parles, Charles, un coup de laine de fer et emballé c'est pesé, tout ça est propre comme un 15 tonnes passé au karscher.
Quand nous avons pour la première fois jetés respectivement un oeil à la trousse de toilette de l'autre, Monsieur Pintade et moi, nous avons échangé le même regard effaré qui signifiait respectivement "oh mon Dieu tout ce bordel qu'elle trimballe !" / "Par la barbe de Taranis, mais il n'y a qu'une brosse à dent, un rasoir et une bouteille de Tahiti là-dedans !"
Alors oui, c'est vrai que les hommes accordent généralement (ce qui est loin d'être une règle absolue) moins de soin et d'importance à leur chouchoutage personnel, mais croyez-moi, c'est davantage par effet de société (en gros il faut être une femme ou une tafiole pour se mettre une crème de nuit) (de toute façon on ne leur propose RIEN donc ils n'essaient RIEN) (et chouinent qu'ils ont la peau qui tire et les mains gercées) que par choix. Et restent avec les mains tendues devant eux comme des corps étrangers explosifs et potentiellement radioactifs quand on leur passe de la crème réparatrice.
Et ce qui m'énerve (oui je suis énervée aujourd'hui) (il fait tout moche dehors mais le ciel n'a même pas la bonne idée de neiger pour me permettre de rester bloquée au lit demain matin) c'est que l'inverse est valable aussi.
Tenez, prenez le rasage par exemple. Il est bien connu que les hommes se rasent. Beaucoup. Souvent.
Donc on leur offre plein de jolis produits bien chouettes pour adoucir ce pénible moment : mousses, gels, baumes, rasoirs high-tech et zibouibouis pour éponger les coupures (parce que les hommes sont des bourrins maladroits).
Mais nous ? Nous ? Nous que l'on élève dans la haine du poil (c'est sale, c'est moche, ça fait vulgaire et négligé) et le culte de l'épilation, on nous offre plein de jolies choses pour casser la gueule à notre pilosité : épilateurs, cire chaude, cire froide, cire en bande, pinces à épiler, crème dépilatoires ... Mais niveau rasage ? Et bien pas grand chose, à part des rasoirs couleur pastel. Des mousses, des gels, des baumes pour faciliter le rasage ? Nooon, une femme, ça s'épile, voyons.
Sauf qu'il existe des femmes qui ne supportent pas l'épilation (avec eczéma à la clé en bonus cadeau) et qui sont bien forcées par le destin à se tourner vers le rasage. Sauf que ça ressemble plutôt à de l'épluchage avec un économe puisque tout ce qu'on peut mettre sur notre peau avant d'y passer les lames ... c'est du savon.
Je peux vous dire que ma vie a changé quand j'ai découvert la mousse à raser. Finies les coupures, les gerçures, les boutons, les irritations. Mais, comme les hommes qui acceptent de sentir la rosée du matin en nous piquant nos crèmes, on doit accepter de fleurer la Cologne bien virile en leur empruntant leur mousse magique.
Alors que franchement, il y aurait moyen d'équilibrer tout ça, non ?